L’alampe
Je réalise que j’ai omis de mentionner deux des notions qui sont ressorties de la causerie de mercredi – sujet de mon premier billet (qui greffait à la description de l’évènement quelques références et des allusions au temps qu’il faisait en cette soirée de Printemps). Il s’agit des idées de virus et d’élan…
Des concepts comme des points d’appui qui nous laissent pantois
La première fut utilisée par Marcello Vitali Rosati pour qualifier l’effet du langage sur notre rapport à la réalité (car les mots auraient un effet démultiplicateur, à l’image des cellules qui composent notre corps – d’où le lien avec la pensée d’Ollivier Dyens relativement à la continuité entre inorganique et organique). La seconde (élan) fut employée, cette fois, par Ollivier Dyens (OD) pour qualifier le mouvement qui pousse les lecteurs à s’engager dans un rôle plus actif pour contribuer à la conversation qui se trame sur le web, entraînant une remise en question du statut d’autorité traditionnellement associé à la figure de l’auteur. Ce principe démocratique de structuration de la Toile (c’est ce que signifie web en anglais) n’est pas sans analogie avec la notion de stigmergie, qu’OD illustrait dans son livre (et lors de la causerie, MVR s’est chargé de nous l’expliquer) par la façon dont la toile de l’araignée se construit. D’ailleurs, OD a aussi utilisé cette notion d’élan pour exprimer la manière dont il envisageait que pouvait se faire le lien entre la discontinuité des organes composant nos corps et la spécificité des comportements témoignant de la présence d’une conscience. Même s’il a bien exprimé ne pas croire en l’existence séparée d’une âme de quelque façon que ce soit. Pour revenir à la question que j’attribue à Laurent Lavoie (voyez dans le récit de la soirée comment je l’ai rencontré suite à la causerie), elle portait sur les implications de l’adoption d’une posture nominaliste et strictement déterministe à la manière d’OD (je ne suis pas sûr qu’OD serait d’accord). Il lui faisait remarquer (en d’autres termes) que si on rejette la souveraineté de l’esprit sur le corps et que l’on refuse à l’âme le pouvoir de gouverner les passions, on devient impuissants face a l’immoralisme. Les tenants de la permission d’abuser des autres pourraient se justifier de cette philosophie physiciste pour dénoncer tout effort visant à endiguer les pratiques égoïstes, cautionnant donc dangereusement le rejet des responsabilités et du libre arbitre qui lui est associé. Si OD n’a pas cédé sur le point de la réduction de la conscience à une « propriété émergente », il s’est montré rassurant quant à sa volonté de préserver les principes de l’éthique. Et il a voulu nous démontrer son optimisme à ce niveau, exprimant que si on refusait d’envisager qu’il y a une communauté de « nature » (ou une continuité) entre les animaux et les humains et même entre la matière inerte et le vivant, on se priverait de la possibilité de penser que les beautés de l’art peuvent être attribuables à des conditions qui sont dans la nature. Pour résumer son point de vue à nouveau, il est irrationnel de croire que les réalisations supérieures comme la morale ou l’art sont le fruit de la volonté des agents. On doit apprendre à se placer d’un point de vue détaché pour examiner les rouages de l’univers. Mais on est toujours pris avec un dilemme : vers où orienter l’alampe ?
La logique ébranlée par les conséquences incohérentes de catastrophes proches et lointaines
Car si les malheurs ne sont pas rares dans ce monde et même si on refuse de croire aux miracles, il n’en demeure pas moins que des situations incroyables se produisent bel et bien, souvent lors de catastrophes, évidemment. Voici un exemple illustrant ce que je veux dire (illustrer, une autre des fonctions de l’alampe): Une femme retrouve son chien pendant une interview (Tornade d’Oklahoma) La journaliste demande à la vieille dame : « vous étiez étendue là, parmi les débris ? ». Elle répond : « oui ». La maison et tout le quartier avaient été emportés d’un coup par les tornades qui ont frappé les États-Unis (la ville de Moore, aux abords d’Oklahoma City) cette fin de semaine. Et la vieille dame fait preuve de philosophie lorsque la journaliste lui demande comment elle se sent face à cette éradication de son quartier. Elle répondit, en effet, que « C’est la vie dans la ville ». C’est une région susceptible d’être frappée par les ouragans. Elle avait donc planifié de s’enfermer dans la salle de bains si une alerte était déclenchée… Elle avait son petit chien dans les bras quand c’est arrivé. Elle sentit son banc se soulever, et elle a roulé. Elle n’a jamais perdu conscience et quand elle a ouvert les yeux, il y avait le ciel au-dessus d’elle… et la lumière. Elle a remercié Dieu d’avoir exaucé la première de ses prières. Mais son chien (objet de la seconde) avait disparu. Au moment où l’entrevue atteint ce point. Une personne de l’équipe de journalistes remarque que le chien se trouve juste là. Il n’a rien eu non plus. Est-ce la bienveillance divine qui a protégé ces deux êtres vivants face à la destruction des éléments qui n’a épargné ni béton, ni bois, ni métal ni brique ? Le bilan, en termes de victimes humaines, de la destruction de cette banlieue de la métropole de l’Oklahoma, état situé dans le Centre-Sud des États-Unis, a été revu à la baisse mercredi, et se chiffrerait à 64 personnes décédées et 4 disparus. [D’autres sources parlent plutôt de 24 morts, incluant 9 (ou 7? ou 10?) enfants]. Sur plus de 40 000 personnes résidant dans ce secteur gravement dévasté, cela fait bien peu. Même si c’est toujours trop, on s’en réjouit. Évidemment quand on pense aux plus de 1000 victimes de l’effondrement d’un seul immeuble au Bengladesh, la disproportion semble incompréhensible. Et encore là il y a avait eu un cas de « miraculée ». Reshma a survécu pendant 17 jours avec 4 biscuits et de l’eau de pluie. Ces histoires de survivants à des catastrophes nous touchent car elles rejoignent la question de l’espoir. Mais on peut les interpréter différemment, selon qu’on est croyant ou pas. Continuer la lecture de À masques découverts