Archives de catégorie : Fractions

Revue de presse numérique dans Le Devoir 15-16 juin 2019

Dans Le Devoir, cette fin de semaine : trois incursions culturelles en territoire numérique

Un recueil de poésie dont vous êtes le héros

À partir de « Quand la poésie devient un jeu », par Dominic Tardif
p. 26 du cahier Le D Magazine Le Devoir, Le samedi 15 et le dimanche 16 juin 2019

Version web : Quand les poètes s’amusent

Dominic Tardif nous présente, dans cette critique croisée (aux côtés de Poisson-clown d’Alain Fisette), un autre recueil de poésie susceptible de faire des vagues : En chaloupe dans l’crushed stone d’Alexandre Dechênes (Éditions de l’Écrou).

« Malgré la légèreté apparente de son projet, le poète de Gatineau (Buckingham Palace, 2017) camoufle derrière une série de métaphores navales le portrait d’un homme surnageant dans la garnotte de ses dépendances. » Pour une édition du Devoir qui rend hommage au célèbre caricaturiste Michel Garneau, @Garnotte (comme quoi les pseudos ne datent pas d’hier), qui « raccrcohe ses crayons », laissant un espace vide en lieu et place de son éditorial hebdomadaire… c’est une description soit chanceuse soit songée. Mais surtout, cela n’est pas sans rapport avec la «granularité», concept clé de la culture numérique. Car la garnotte, le gravier, c’est une incarnation de cette notion qui décrit bien notre monde fragmenté. Alors, le propos étant donné, qu’en est-il de la forme? En chaloupe dans l’crushed stone (l’crushed stone c’est ça : la gravelle) est organisé ludiquement, comme un jeu, c’est-à-dire «comme un véritable recueil de poésie dont vous êtes le héros».

Comme pour un numéro de la série Loup solitaire, on se remplit une fiche de personnage, pour commencer. Puis, suite à chaque poème qui résonne différemment selon le personnage qu’on s’est choisi, on s’en doute, on sélectionne le prochain pas dans cet univers tourbillonnant.

Pour une illustration de ce quoi ressemble une traversée de ce maelstrom, voir : « Un livre dont vous êtes le poète », sur le blog de la librairie Pantoute, un texte de Christian Vachon.

Je ne suis pas convaincu que ce soit « la toute première poésie dont vous êtes le héros », contrairement à l’intitulé de cette présentation de l’ouvrage par Geneviève Lagacé de #FABCREP. Car toute poésie vous plonge au cœur de la tourmente. Mais l’exercice a quelque chose de «cathartique», comme on dit. Alors tant mieux si ce n’est pas fait de manière prétentieuse.

IAA s’imagine nos rapports futurs avec l’IA

Les participants à l’Initiative pour les avenirs autochtones (IAA) imaginent nos futurs rapports avec les entités dotées d’intelligence artificielle (IA) en s’appuyant sur les savoir faire traditionnels autochtones en matière de communication avec les être animés et inanimés constituant la nature.

Cette initiative menée par le professeur Jason Edwards Lewis le réseau Territoires autochtones dans le cyberespace, de l’Université Concordia, vise à penser nos futurs rapports aux entités équipées d’intelligence artificielle par une équipe de chercheurs étudiants et enseignants du département de design et d’arts numériques de cette université, et le no 10 de 10 de la série IA du Devoir nous rapporte les premières démarches qui ont impliqué la collaboration de communautés autochtones d’Amérique du Nord (Cherokee), d’Hawaï, d’Australie et de Nouvelle-Zélande.

Un séminaire a été conçu par le professeur Lewis « en collaboration avec la professeure Arista ainsi que deux collègues intenationaux, Angie Abdilla, consultante sur la culture et les techniques aborigènes, et le chercheur Oiwi Parker Jones, un neuroscientifique d’Oxford, un séminaire en deux temps sur le thème des protocoles autochtones et de l’intelligence artificielle. » (Concevoir l’intelligence artificielle autrement, Le Devoir, Série IA (no. 10/10), p. C 12 (version web).

« Tout au long de l’été, les membres du groupe travailleront à finaliser ce qu’ils ont amorcé lors de leur séjour à Hawaï. Le résultat de leur labeur devrait être rendu public en septembre dans le cadre d’une publication numérique. »

Un scepticisme qui demeure malgré les appels à la coopération

« À la recherche d’un nouvel équilibre entre médias et GAFA »

Un article de Fréréric Pouchot (AFP à Athènes), relayé dans Le Devoir à la page A9 fait état d’un «apaisement des tensions» entre les médias et les GAFA. Mais ce point de vue est contrebalancé par celui des sceptiques pour qui les appels à la coopération ne sont pas suivis par des actions convaincantes.

Lire l’article en ligne : https://www.ledevoir.com/culture/medias/556820/a-la-recherche-d-un-nouvel-equilibre-entre-medias-et-gafaArticle Devoir Recherche équilibre Medias GAFA

« Cette question est au coeur du Global Editors Network (GEN) Summit, qui réunit jusqu’à samedi à Athènes dirigeants de médias, journalistes et représentants des GAFA. »

Le site du GEN : https://www.globaleditorsnetwork.org/français/

On comprend que les rédacteurs en chef ont conscience de devoir tenir compte de la situation actuelle, mais qu’ils regrettent l’attitude des GAFA. Ces navire au gros tonnage avancent suivant leur programme sans tenir compte des remous que leur passage cause aux petits bateaux (sans parler des chaloupes …) qui essaient de se maintenir à flot dans le tourbillon qu’ils laissent dans leur sillage.
Une suggestion qui ressort, c’est de ne pas négliger notre capacité à nous organiser autrement (que sous leur dépendance).

Pour Natalia Antelava, ancienne correspondante à la BBC et cofondatrice de Coda Story, un site de journalisme d’enquête à long cours, les médias doivent se mobiliser eux-mêmes « au lieu de suivre le mouvement en faveur d’une régulation ».

Voir ce qu’est Coda Story : https://codastory.com/

Pour voir l’ensemble des points de vue et des faits rapportés dans cet article, je vous invite à le lire au complet.

Comme quoi, même si c’est la fête des pères, le numérique c’est toujours pas un cadeau. Sauf qu’il y a de quoi creuser pour essayer de s’y retrouver.

Bonne quête !

 

La mort ne l’emportera pas au Paradis

Petit « poème » pour nos amis belges

Je ne suis jamais allé en Belgique
Et pourtant, je l’aime
J’éprouve de la fierté à me sentir frère
De ces cousins qui ont du caractère

Nous sommes unis par notre humour
Qui ose soulever des questions sérieuses
Notre fragilité fait notre force, sans joke
Nous avons du cran, sommes (des) résistants

Et malgré les apparences de divisions
Qui ne sont pas à prendre à la légère, c’est clair
Notre cœur est à la bonne place, du côté
De l’humanité, de la lumière, de l’amour

Je me promets, dès que je peux, de faire
Un pèlerinage dans Bruxelles, la belle

Homegnolia (un Québécois)

 

 

 

Le dessin de Plantu paru dans Le Monde, ce 22 mars… de triste mémoire

 

Voir aussi une recension des interventions de Tintin par l’Oreille tendue

Mon nouvel avatar depuis hier soir...

J’arrive …

Vous rappelez-vous Brel ?

Allons, Paris, tiens-toi bien …

Je cite de mémoire…

C’est un fait, souvent celle-ci défaille.

Se souviendra-t-on encore dans quinze ans de ce vendredi 13 sanglant ?

J’ai recommencé à fumer. Ça n’a rien à voir avec le choc provoqué par l’actualité. C’était pour me récompenser d’une petite rentrée d’argent.

Je venais de boucler un petit contrat de numérisation du fonds de Lux Éditeur. Transposer La Mentalité américaine, de Howard Zinn, de LaTeX à ePub. Tout s’était bien passé, même si quelques « mystères » eurent à être résolus. J’avais pu rendre le produit final cinq jours avant l’échéance (je m’étais donné du lest: avec la rédaction du mémoire et un stage en enseignement du français, il fallait).

Depuis deux jours j’avais pu me remettre à la rédaction du mémoire. Je suis à analyser les éléments de culture numérique dans La Science des lichens de Mahigan Lepage. C’est un roman, de l’autofiction, comme on dit. Ça se passe à Paris. Un étudiant québécois en rédaction de thèse, loge à Paris dans une chambre exiguë d’un édifice où avait déjà vécu Descartes.  Mais, là encore, ça n’a rien à voir. Si ce n’est que j’avais recommencé à fumer, parce que je m’étais acheté un paquet des cigarettes pour me récompenser d’avoir terminé ce petit contrat, et que ça m’amenait à prendre des petites pauses supplémentaires, sur le balcon arrière de notre appartement au troisième étage. Alors, j’ai le temps de réfléchir un peu à une autre manière de rendre les idées.

Hier au cours des attentats, j’ai suivi assidûment les évènements. J’ai relayé l’information via Twitter. Le Bataclan, c’était d’abord quinze morts ; puis, suite à l’assaut des forces spéciales, c’était 100 🙁 J’étais sans voix… J’ai transmis le nombre (qui allait être revu à la baisse, puis qui regrimperait…) et j’ai ajouté à #attentatsParis le hashtag #100voix. Vous comprenez bien que je faisais aussi références aux voix perdues (et pas uniquement, par homophonie, à ma gorge nouée). Et ça ne comptait pas les presque trente autres victimes déjà dénombrées. Je n’ai pas beaucoup fumé pendant ce temps-là. J’étais branché sur itélé.fr (@itele) et ce n’est que lorsque ma femme est rentrée avec mon fils, et que celui-ci a demandé à voir Sam le Pompier, que je suis allé décanter un peu toutes ces émotions. Par la suite, j’ai remplacé mon avatar par une image de gargouille contemplant Paris la larme à l’œil réalisée par G. Duguay, un montréalais (voir-l’image complète au bas du billet). C’était pas que par solidarité, dans la mesure où je suis Français par ma mère. Alors, je suis encore plus réceptif à la douleur des Parisiens en ce lendemain d’assauts revendiqués par Daesh.

Et, justement, ce matin, avec la peine languissante qui découle de ce genre de drame accrochée au cœur,  je fumais une cigarette. Et on a beau dire, on a la sensibilité à fleur de peau, et les éléments naturels de l’environnement, même en ville, revêtent un caractère plus symbolique qu’à l’habitude. Je regardais le décor des arbres qui sont une source d’apaisement car ils sont grands et assez nombreux à dépasser le toit des triplex de mon secteur du Sud-Ouest de Montréal. Ainsi, j’ai vu deux oiseaux qui sont passés au dessus-de moi, filant contre le vent qui souffle légèrement de l’Ouest.  Comme ils étaient très haut, leurs silhouettes étaient noires, car ils contrastaient, en contre-jour, avec la blancheur teintée de gris luminescent des nuages qui recouvrent le ciel en ce samedi 14, qui nous apporte les prémices de l’hiver. Pour cette raison, puisque je ne décelais pas la couleur de leur plumage, je me suis demandé s’il s’agissait d’hirondelles ou de pigeons. La forme de leurs ailes (que je pouvais bien voir se découper, car ils fendaient le vent en planant) me faisait penser à celle des hirondelles. J’ai pris un cliché mentalement quand ils sont passés juste au-dessus de ma tête. J’ai comparé avec les images emmagasinées dans ma mémoire, et j’ai réalisé que j’avais des souvenirs de silhouettes de pigeons qui avaient la même forme. Vue leur taille j’ai compris que c’était bien des pigeons. Ça m’a fait penser que les pigeons, dans le fond, peuvent être aussi gracieux et délicats que des hirondelles. Et puis les deux sont réputés pour être des messagers. On dit qu’une hirondelle ne fait pas le printemps. Pourtant, lorsque les hirondelles volent bas, on dit que cela annonce la venue d’un orage. En général, je suis moi-même peu superstitieux. Par contre, il m’est arrivé de sentir avec une puissance étonnante que des coïncidences sont porteuses de sens. De manière analogue, je suis parfois ému à la vue de simples volatiles, ces cousins du monde animal qui partagent aussi une origine commune avec les dinosaures, les oiseaux. C’est injustifiable rationnellement, mais je suis porté à m’imaginer que leur passage, leur apparition dans mon champ de vision, n’est pas dénué de signification.

J’étais à me dire qu’ils allaient dans la direction opposée aux attentats, lorsqu’une feuille, attachée jusqu’alors à un arbre mince et effilé, plutôt chétif, proche du balcon des voisins de gauche, s’est détachée et, alors que le vent s’était apaisé, a chuté, sans virevoleter,  à plat, ralentissant sa descente. C’était probablement la dernière attachée à cet arbre peu fourni de toute façon, et dont je ne connais pas l’essence.

On oublie aussi souvent de s’informer de l’essence des choses.

J’ai alors senti le besoin de présenter cette sensation de flottement, exprimant la tristesse de ce jour, et l’impression que les éléments parlaient un langage qui n’était pas sans rapport avec l’épreuve qui secoue la population de l’Ile-de-France. Nous communions du sein des observations les plus banales avec ce qui se joue de plus dramatique sur d’autres continents.

Voilà, tous ces détours pour introduire ces trois vers, dédiés aux Parisiens, en particulier aux morts et aux blessés, ainsi qu’aux familles et aux amis des victimes de ces attentats meurtriers.

Le peuplier élève mon regard
Deux pigeons filent vers l’amont du fleuve
Une feuille rousse choit en silence

J’arrive…

Pourquoi ce titre?

Peut-être parce que je voudrais bien pouvoir voler à tire-d’ailes vers cette ville si estimée et que j’aime. Alors, il faudrait interpréter les paroles de Brel, moins comme l’expression d’un défi, que comme un cri d’encouragement : « Tiens-toi bien… » au sens de « Tiens-bon! ».

Si je me rappelle bien, c’est la fin du couplet de Brel que j’ai commencé à citer, en ouverture de ce second billet de Fractions. Mais il se peut que j’aie la mémoire courte, et/ou que je n’emploie pas les termes exacts. D’ailleurs, d’abord et avant tout, plutôt que de ‘fin’, il conviendrait peut-être mieux de parler de suite.

Mon nouvel avatar depuis hier soir...
Gargouille de Notre-Dame-de-Paris, versant une larme en contemplant Paris endeuillée, suite aux attentats du 13 novembre 2015.

Mais, quel rapport avec les oiseaux ? C’est que les oiseaux que j’ai vus, filaient vers l’Ouest, puisque le fleuve, c’est le Saint-Laurent. Ils semblaient donc fuir les violences. En même temps ils filaient contre le vent. C’est dire que le vent soufflait vers Paris. J’imagine que je me suis dit que si j’étais un oiseau, j’aurais aimé avoir eu plutôt le réflexe de profiter de cette impulsion pour me rapprocher des personnes dont la vie venait d’être chamboulée, ou carrément fauchée. J’avais donc l’envie de croire que nous ne sommes pas impuissants. Alors, « J’arrive » c’est aussi dire ce que les mots peuvent mieux faire que moi face à la mort de mes compatriotes. Exprimer un désir. Parisiens, mes amis et mes frères, j’aimerais être auprès de vous pour soigner vos plaies, vous réconforter, vous communiquer la chaleur de ma solidarité.

Excusez-moi, je dois m’arrêter là, je viens d’entendre un petit « Papa ! » fuser hors de la chambre donnant sur le corridor. C’est mon fils qui vient de se réveiller de sa sieste.
Allez…

« J’arrive ! »

Deux signes, est-ce que ça fait un sens?

J’ai été frappé par deux articles dans l’édition du Devoir de ce matin, lendemain de la fête du travail au Québec.
Primo, une annonce concernant la création d’une chaire de philosophie nommée Ésope, dirigée par Frédéric Bouchard, ayant étudié la philosophie, en rapport avec l’esthétique, comme moi, mais du point de vue de la philosophie des sciences et particulièrement de la biologie (alors que je le faisais plutôt du point de vue de l’histoire des idées et de la critique littéraire).

Secundo, le fait qu’un professeur au collégial, Mathieu Bélisle, soit l’auteur de l’article paru dans la revue L’Inconvénient, et repris dans la section « Des idées en revue » (du Devoir), pour poser la question du « Nous » dont il se demande s’il est encore possible de prononcer cette expression sans qu’elle ne soit vide de sens « Peut-on encore dire « nous »? ».

Représentation d'Ésope, fameux auteur des fables et contes animaliers qui ont inspiré Jean de La Fontaine
Représentation d’Ésope, fameux auteur des fables et contes animaliers qui ont inspiré Jean de La Fontaine

Si je range ce billet dans une nouvelle section que j’appellerai « Fractions » (Aucun titre n’est parfait. Celui-ci peut paraître froid, si l’on songe uniquement à la dimension mathématique – à laquelle renvoyait déjà Facteurs – mais c’est aussi une référence plus directe à la réalité du numérique qui donne une place de premier plan aux fragments et qui favorise les « factions »… C’est un peu tout cela que j’ai voulu rassembler dans ce mot), c’est que je ne prétends pas avoir résolu quoi que ce soit en identifiant certains points « positifs » pour moi dans cette nouvelle et cette lettre d’opinion. Ce sont donc deux articles intéressants, pour moi. Mais « pour nous » quel est leur intérêt? Et comment peuvent-ils m’interpeller s’ils ne vous touchent pas également?
La problématique me semble bien exprimée par la conclusion de l’article de M. Bélisle.

Descombes nous invite à prendre conscience des limites de telles conceptions [multiculturalisme, pluralisme individualiste libéral] qui, en exerçant sur les individus la contrainte la plus faible possible et en se contentant d’une adhésion minimale, négligent une réalité toute simple, à savoir : que chaque société, qu’elle soit ancienne ou moderne, doit pouvoir se représenter elle-même comme à la fois fermée et ouverte, à défaut de quoi l’emploi du « nous » est sans objet.

Sur ce, bonne suite…