Ce billet m’est cher. Et ce pour plusieurs raisons.
D’abord parce qu’il témoigne de ce que j’ai osé prendre le temps de me consacrer à la réflexion philosophique, ma « passion dominante » comme disait David Hume à propos de la littérature, alors qu’on a toujours mille raisons de différer les choses essentielles… Ensuite, parce qu’il m’est inspiré par une conversation que j’ai eue hier soir avec une femme, Isabelle Drolet, qui a tout un parcours et dont on sent qu’elle apprécie réellement la réflexion critique et qui m’a demandé humblement de l’aider à comprendre en quoi consiste l’«esthétisme», mot qui n’est pas le même que celui que je vais tenter de définir aujourd’hui, mais qui va me servir de point d’appui pour expliquer certaines différences entre les deux «phénomènes». Comme l’a dit Isabelle, à la fin de notre conversation – dans le cadre du 5 à 7 (il était 10h…) pour célébrer les avancées du Bâtiment 7, ce projet de fabrique d’autonomie collective, fruit d’un travail de près de 14 ans de la part de ce qui est devenu, depuis plus de 5 ans, le Collectif 7 à Nous, issu de et enraciné dans la communauté de Pointe-Saint-Charles – , c’était « une belle rencontre ». Et je dois avouer que ça m’a fait chaud au coeur lorsqu’elle m’a fait le compliment de me dire que j’étais un « vrai philosophe » parce que je savais vraiment discuter, sans nécessairement chercher à avoir raison à tout prix, ce qu’elle apprécie profondément. Mais ce qui me fait vraiment plaisir, c’est que ça me confirme que nous pouvons tous devenir vraiment philosophes, si nous apprenons, comme Isabelle le disait si bien, à nous questionner.
La troisième raison pour laquelle je suis particulièrement attaché à ce billet, avant même de l’avoir écrit (ou d’en avoir conçu le plan), c’est que je vais m’y attaquer pour une rare fois, assez directement, à un sujet qui est au coeur de mes préoccupations et qui constitue l’objet principal de mes recherches depuis la fin de mon baccalauréat en philosophie, et même qui est une des raisons d’être de mon engagement dans les études en philosophie, à savoir la revalorisation de la philosophie de l’art par rapport aux autres branches de la philosophie, souvent jugées plus prestigieuses.
Situer l’esthétique parmi les «branches» de la philosophie …
Quelles sont les branches de la philosophie ?
L’ontologie, science de l’être en tant qu’être
L’ontologie s’applique à expliciter les fondements de l’être, parfois pour lui-même, plus souvent en relation (plus ou moins conflictuelle ou harmonieuse, selon les perspectives), avec la notion de devenir. Cela nous ramène au vieux conflit entre Héraclite et Parménide. Celui-ci croyait que l’être pouvait être représenté adéquatement par le biais de la pensée d’une sphère parfaite, pleine et régulière (homogène) dans sa composition. On voit que l’esthétique (ici on pourrait dire « l’esthétisme », entendu au sens de « la beauté (voire la pureté) de la représentation ») joue déjà un rôle non négligeable dans l’élaboration des conceptions les plus fondamentales de la pensée occidentale. Il en va probablement de même, mais d’une manière que j’appèlerais à la fois moins perverse et plus profonde dans la manière dont Héraclite concevait l’être, c’est à dire comme un devenir perpétuel. « Panta rei », disait le philosophe d’Éphèse : « Tout change ». Parmi les physiocrates, les premiers philosophes qui ont essayé de concevoir la réalité du monde sous un concept unificateur, donnant ainsi naissance à la pensée d’une cause sous-jacente aux formes variées qui surgissent dans le courant de la vie, Héraclite fait un peu bande à part, car il a choisi le feu d’une part, élément qui peut paraître destructeur, et qui renvoie de manière plus générale à l’énergie du mouvement qui est aussi contenu dans le flot des eaux d’une rivière ou la déferlante des vents d’une tempête (sans parler de l’éruption d’un volcan). Donc, il renvoyait non pas tant à un élément unique dont tout serait émané, qu’à la multiplicité même des apparences qui se métamorphosent formidablement sous nos yeux ébahis ou blasés. Continuer la lecture de En écho à ma conversation d’hier avec Isabelle, une amorce d’introduction à l’esthétique …→
Février tire presque à sa fin. On est encore sous le choc de l’élection de Donald Trump.
J’ai pensé que ça ferait du bien d’effectuer une petite incursion sur la Côte Ouest, chez nos voisins du Sud, histoire de confronter notre angoisse, à la faveur d’un colloque sur Rousseau, où nous transporte Benoit Melançon, aliasL’Oreille tendue, professeur de littérature. L’intérêt de ce billet réside entre autres dans le caractère ironique de certaines situations, dont l’ambiguïté n’a d’égal que l’aspect frappant de certaines coïncidences. Rousseau et le douanier décontenancé. L’espoir que la pluie nous lave de nos (dés)illusions ?
Et l’évidence que tous les avions mènent à Trudeau… Quels que soient les avis (partagés ou non*) que les livres qu’ils portent à leur bord véhiculent… Et en même temps il y a le contraste entre la drôlerie des réactions et des situations, et la tristesse du sentiment (qui en vient à habiter le silence) de l’absence d’une voix forte de la culture de l’autre «solitude».
Le tout lié par l’écriture lumineuse, malgré les nuages, de cette plume voyageuse («elle», ci-dessous, c’est évidemment, L’Oreille).
«Il n’est plus.»
Salutations M. McLean et mes condoléances aux communautés de l’humour et de la radio (très larges confréries) !
Homélio Magnolia
* C’est toujours une question difficile que celle du jugement de goût – Rousseau en savait quelque chose, tout comme Diderot, Hume … et d’autres !
Le douanier états-unien: «A conference? About what?» L’Oreille tendue: «Eighteenth-century French literature.» Lui: «No kidding!?» Elle, intérieurement: «No kidding.» Apprendre à Santa Barbara la mort de l’homme de radio Stuart McLean. Tristesse. Le silence n’est plus ce qu’il était. Il n’est plus. Un hôtel qui fait jouer du Ella Fitzgerald au petit déjeuner ne peut pas…
Pourtant, celles et ceux à qui il s’adresse – le plus directement – bénéficiaient d’une heure de plus aujourd’hui étant donné que l’heure recule pour euxelles au fur et à mesure qu’ils progressent, vers l’Ouest.
Mais à cette heure-ci ils sont sans doute couchés, ayant à se lever tôt pour affronter une autre longue journée de route à travers le Manitoba (principalement, je crois) demain.
Il s’agit de Marcello Vitali-Rosati, mon directeur de recherche, Julie Tremblay-Devirieux, étudiante au doctorat, Erwan Geffroy, H. et A., les amours de Marcello, …
Pour comprendre un peu recherchez sur Twitter #transcan16 entre le 25 mai et le 27 mai 2016 (ou ici)
Mise en contexte autochtone : C’est vital…
Alors que j’allais finalement taper la citation de Vers l’Ouest de Kerouac que je jugeais bon d’introduire pour illustrer ce que celui-ci avait pu ressentir au cœur de son périple de trois ans à travers les États-Unis et le Mexique, ma douce est rentrée d’un souper avec des artistes autochtones, dont Kathia Rock et Moe Clark (elle-même originaire de la Rivière Rouge, de la nation Métis à laquelle appartenait Louis Riel), car celles-ci étaient présentes, avec Joséphine Bacon (poétesse innue) et Véronique Audet (chercheuse en musique autochtone actuelle) pour la présentation des résultats d’un rapport intitulé C’est vital, portraits dynamiques de la production culturelle autochtone au milieu urbain au Québec. Anaïs () travaille à la Guilde canadienne des métiers d’art maintenant, après un engagement de 4 ans dans l’OBNL Artial : art et social qu’on avait créé en 2010, et qui était destiné justement à sensibiliser le public québécois à la vitalité (et donc au dynamisme) de la création autochtone au Québec et au Canada actuellement. On a fermé Artial en 2014, pour plusieurs raisons dont la naissance de notre fils, qui aura quatre ans dans un mois. Elle est crevée ces temps-ci, et en même temps ça va mieux que jamais, mais elle a besoin de repos après une soirée bien arrosée, alors elle est allée se coucher tout droit après m’avoir dit deux ou trois mots de la façon dont s’est déroulé l’évènement (une sorte de lancement pour cet important document, qui peut être téléchargé ici sur le site de desti-nations.ca) et que je lui aie déballé les grandes lignes du déroulement de notre soirée à l’inauguration du Skate-parc à Verdun avec F(iston) (ce seront là une part des lignes qui n’auront pas été écrites) et de sa journée au CPE géré par des Autochtones dans le même arrondissement de Montréal. Alors que j’allais compléter l’entrée de la citation de Kerouac que j’avais choisie pour faire écho au fait qu’ils se trouvaient à mi-chemin du trajet qui les conduira vers un colloque de Digital Humanities (Humanités numériques), le grand RV de la Société canadienne qui s’y consacre (CSDH/SCHN) pour 2016, où ils feront état de l’avancée de divers projets et de la signification de celui-là même qu’ils mènent en ce moment (Épuisement de la transcanadienne #transcan16)…
C’est complexe tout ça. Je vais même m’interrompre un instant pour brancher le ventilateur car il a fait 29° à l’ombre aujourd’hui, alors mon iMac sue…
Sheer (chire) sua (sur la) sonance du beat d’l’alangue à Jack K…
C’est pénible de devoir suivre le fil d’une pensée alors que tout concourt à vous rejeter sur le bord du chemin (la chaleur, la fatigue, le fait de devoir prioriser la rédaction du mémoire sans manquer la moindre opportunité de vivre à plein le moment présent). «Sur le chemin» c’est d’même qu’Jack aurait coualé son Road Movie picturesque s’il avait pu aller au bout de son thrill d’écrire dans la langue de ses ancêt’ … Passk’il l’avait entamé dans c’teu langue-là, avec c’teu tit’ là « Sueu ch’min »… Créyiez moi crayez-moé pô… C’est pas moi qui l’invent’ c’tout un saga qui fait râler l’journalis qui a exhumé ces entreprenures de notre cousin d’Nue Ingland. Un dawmned canuck com nuz-aut’ icite au Québec … Mais il était trop pressé de pas se faire dammné l’pion par un aut’ rookie d’l’écriture à tout’allure qui allait ui voler son blend de la TNT dans le texte. Un que je me rappelle pas le nom, mais qui l’a pris de vitess. On the road fut écrit en 1951 et n’a paru qu’en 1957, fort remanié.
Reprise vers l’expulsion de la citation de Sur la route prétexte à ce billet
Fèk, j’reprends ma citation de Kerouac, pis l’une des raisons qui font que j’ai eu besoin d’extendre mon tweet un brin… c’é qu’y aurait pas été clair si j’l’avais prise dans les citations les plus populaires sur Babelio ou si c’était un mix de mon intuition de lecteur invétéré de briques philosophiques et littéraires pis de mon bol de cocu (c’t’une expression, jumpez pas aux conclusions) qui avait fait l’boulot de la dégotter celle-là…
Or c’est pas le cas (option 1), c’est vraiment le pif de mon doigt aidé de la jugeotte de mon oeil qui est allé repérer à vue d’nez yétait où l’milieu (approx) de L’original roll (traduit par Josée Kamoun) avait pu se trouver en faisant le pari qu’il recèlerait la « quintessence » quelque expression éblouissante de l’impression d’être perdu au milieu du chemin, afin que je puisse la sharer sur Twitter pour mes potes de #transcan16. Pis j’suis tombé sur la p. 342 de l’édition Galllimard de Sur la route (coll. « Du monde entier », 2010), et ça se trouve donc (vue l’imposante préface d’Howard Cunnell), à la 220e page de texte sur 385 de ce qui ne l’oublions pas constituait un rouleau fait de feuilles tapées (je veux dire reliées par du scotch tape) et tapuscrites, à l’allure de la mitraillette, comme faisait Steinbeck (et Neil quand il a su écrire Dean retrouve son vrai nom dans le rouleau original…). Bref, la voulez-vous la sentence : bellavla :
Ma garce de vie s’est mise à danser devant mes yeux, et j’ai compris que quoi qu’on fasse, au fond, on perd son temps, alors autant choisir la folie.
Jack Kerouac, Sur la route. Le rouleau original, p. 342.
Si je l’ai reproduite ici c’est d’une part qu’il est trop tard pour que mes compagnons du TheoLiNum (Laboratoire de recherche sur les Théories de la littérature numérique) et autres qui suivent leurs pérégrinations scripturales et cybernétiques puissent la lire live… je prie pour qu’ils dorment à poings fermés… partiellement parce qu’elle n’entre pas dans 140 caractères, et puis, comme je viens de tenter de vous le communiquer dans une langue s’inspirant irrévérencieusement du franc-parler de notre fou-brack préféré, j’aurais pas voulu que vous croyiez que j’avais simplement repêché la citation figurant au haut de la liste de Babelio pour cet ouvrage phare des écritures de la route… sans l’avoir lu. Non, je l’ai lu, mais là j’ai juste évalué instinctivement où se trouvait le moment de révélation niché au cœur du roman où le récit se construit et j’ai mis le doigt sur cette phrase là, directement.
Eh bé !… D’emblée je pense que c’est un projet un peu fou. Ensuite après une première journée où ils ont rallié Kapuskasing («là où la rivière courbe»… ce sera une ligne seulement évoquée), les membres de l’équipe d’explorateurs (appelons-les les épuiseurs) arrivent en pleine forêt d’épinettes, alors c’est là que l’impression d’errer peut susciter des remises en question. Pourquoi nous être mis dans cette situation ? Aussi, j’ai voulu leur renvoyer un reflet de ce que ce sentiment d’être perdu (ou à tout le moins désorienté : voir les tweets #onsaitplusouonest) pouvait provoquer comme affirmation d’une liberté.
Image de ligne d’horizon s’apparentant à un échantillon de musique à masteriser Illustration en couverture du rapport C’est vital.
Troisième pertinence de cette citation : elle a beau avoir l’air pessimiste, ce qui est beau c’est justement qu’il continue, il ne se laisse pas abattre par le fait qu’il est rejeté par lesparents de son ancienne femme, et il nous communique la réflexion qui lui est venue à ce moment-là, et qui fut un passage par lequel il a poursuivi sa route.
J’ai le plaisir de vous inviter à lire le dernier billet sur Le blogue de quelqu’une (Ève-Marie, une amie) concernant #NuitDebout. Étiez-vous au courant ? Pourquoi on n’en parle pas ici (au Québec), alors que nous avons eu Occupons Montréal ? Pourtant, il est important que les questions soulevées par ce genre de mouvement de protestation fassent débat. Il serait donc sain que cette information circule davantage dans les médias « de masse ».
Voir les activités à venir sur le site Convergence des luttes < https://www.convergence-des-luttes.org/ > … La mobilisation se maintiendra-t-elle suffisamment longtemps pour forcer le gouvernement « socialiste » (!) à abandonner cette « loi du Travail » qui vise à donner plus de latitude aux employeurs au détriment des travailleurs (affaiblissant ainsi les acquis des luttes syndicales passées), et qui est présentement à l’étude en commission parlementaire ?
Je réalise que j’ai omis de mentionner deux des notions qui sont ressorties de la causerie de mercredi – sujet de mon premier billet (qui greffait à la description de l’évènement quelques références et des allusions au temps qu’il faisait en cette soirée de Printemps). Il s’agit des idées de virus et d’élan…
Des concepts comme des points d’appui qui nous laissent pantois
La première fut utilisée par Marcello Vitali Rosati pour qualifier l’effet du langage sur notre rapport à la réalité (car les mots auraient un effet démultiplicateur, à l’image des cellules qui composent notre corps – d’où le lien avec la pensée d’Ollivier Dyens relativement à la continuité entre inorganique et organique). La seconde (élan) fut employée, cette fois, par Ollivier Dyens (OD) pour qualifier le mouvement qui pousse les lecteurs à s’engager dans un rôle plus actif pour contribuer à la conversation qui se trame sur le web, entraînant une remise en question du statut d’autorité traditionnellement associé à la figure de l’auteur. Ce principe démocratique de structuration de la Toile (c’est ce que signifie web en anglais) n’est pas sans analogie avec la notion de stigmergie, qu’OD illustrait dans son livre (et lors de la causerie, MVR s’est chargé de nous l’expliquer) par la façon dont la toile de l’araignée se construit. D’ailleurs, OD a aussi utilisé cette notion d’élan pour exprimer la manière dont il envisageait que pouvait se faire le lien entre la discontinuité des organes composant nos corps et la spécificité des comportements témoignant de la présence d’une conscience. Même s’il a bien exprimé ne pas croire en l’existence séparée d’une âme de quelque façon que ce soit. Pour revenir à la question que j’attribue à Laurent Lavoie (voyez dans le récit de la soirée comment je l’ai rencontré suite à la causerie), elle portait sur les implications de l’adoption d’une posture nominaliste et strictement déterministe à la manière d’OD (je ne suis pas sûr qu’OD serait d’accord). Il lui faisait remarquer (en d’autres termes) que si on rejette la souveraineté de l’esprit sur le corps et que l’on refuse à l’âme le pouvoir de gouverner les passions, on devient impuissants face a l’immoralisme. Les tenants de la permission d’abuser des autres pourraient se justifier de cette philosophie physiciste pour dénoncer tout effort visant à endiguer les pratiques égoïstes, cautionnant donc dangereusement le rejet des responsabilités et du libre arbitre qui lui est associé. Si OD n’a pas cédé sur le point de la réduction de la conscience à une « propriété émergente », il s’est montré rassurant quant à sa volonté de préserver les principes de l’éthique. Et il a voulu nous démontrer son optimisme à ce niveau, exprimant que si on refusait d’envisager qu’il y a une communauté de « nature » (ou une continuité) entre les animaux et les humains et même entre la matière inerte et le vivant, on se priverait de la possibilité de penser que les beautés de l’art peuvent être attribuables à des conditions qui sont dans la nature. Pour résumer son point de vue à nouveau, il est irrationnel de croire que les réalisations supérieures comme la morale ou l’art sont le fruit de la volonté des agents. On doit apprendre à se placer d’un point de vue détaché pour examiner les rouages de l’univers. Mais on est toujours pris avec un dilemme : vers où orienter l’alampe ?
La logique ébranlée par les conséquences incohérentes de catastrophes proches et lointaines
Car si les malheurs ne sont pas rares dans ce monde et même si on refuse de croire aux miracles, il n’en demeure pas moins que des situations incroyables se produisent bel et bien, souvent lors de catastrophes, évidemment. Voici un exemple illustrant ce que je veux dire (illustrer, une autre des fonctions de l’alampe): Une femme retrouve son chien pendant une interview (Tornade d’Oklahoma) La journaliste demande à la vieille dame : « vous étiez étendue là, parmi les débris ? ». Elle répond : « oui ». La maison et tout le quartier avaient été emportés d’un coup par les tornades qui ont frappé les États-Unis (la ville de Moore, aux abords d’Oklahoma City) cette fin de semaine. Et la vieille dame fait preuve de philosophie lorsque la journaliste lui demande comment elle se sent face à cette éradication de son quartier. Elle répondit, en effet, que « C’est la vie dans la ville ». C’est une région susceptible d’être frappée par les ouragans. Elle avait donc planifié de s’enfermer dans la salle de bains si une alerte était déclenchée… Elle avait son petit chien dans les bras quand c’est arrivé. Elle sentit son banc se soulever, et elle a roulé. Elle n’a jamais perdu conscience et quand elle a ouvert les yeux, il y avait le ciel au-dessus d’elle… et la lumière. Elle a remercié Dieu d’avoir exaucé la première de ses prières. Mais son chien (objet de la seconde) avait disparu. Au moment où l’entrevue atteint ce point. Une personne de l’équipe de journalistes remarque que le chien se trouve juste là. Il n’a rien eu non plus. Est-ce la bienveillance divine qui a protégé ces deux êtres vivants face à la destruction des éléments qui n’a épargné ni béton, ni bois, ni métal ni brique ? Le bilan, en termes de victimes humaines, de la destruction de cette banlieue de la métropole de l’Oklahoma, état situé dans le Centre-Sud des États-Unis, a été revu à la baisse mercredi, et se chiffrerait à 64 personnes décédées et 4 disparus. [D’autres sources parlent plutôt de 24 morts, incluant 9 (ou 7? ou 10?) enfants]. Sur plus de 40 000 personnes résidant dans ce secteur gravement dévasté, cela fait bien peu. Même si c’est toujours trop, on s’en réjouit. Évidemment quand on pense aux plus de 1000 victimes de l’effondrement d’un seul immeuble au Bengladesh, la disproportion semble incompréhensible. Et encore là il y a avait eu un cas de « miraculée ». Reshma a survécu pendant 17 jours avec 4 biscuits et de l’eau de pluie. Ces histoires de survivants à des catastrophes nous touchent car elles rejoignent la question de l’espoir. Mais on peut les interpréter différemment, selon qu’on est croyant ou pas. Continuer la lecture de À masques découverts→
Un faisceau (une fourche ou une fourchette) de (2 ou 3) mots associés au printemps. Le mot anglais, son sens second (à moins qu’il ne soit plus originaire que le premier), sa traduction littérale (en un troisième sens).
Quelque chose comme un appel, ou le cliché qui prend une dérape.
Robert Frost (brrr !) avait sûrement fait le lien entre la saison et l’idée « qui est derrière ».
Prayer in Spring
Oh, give us pleasure in the flowers to-day;
And give us not to think so far away
As the uncertain harvest; keep us here
All simply in the springing of the year.
(…)
Évidemment, avec le participe présent, c’est ‘surgissement’ qui s’impose comme traduction de ‘Spring‘, au lieu de ‘ressort‘.
Que puis-ajouter qui ne soit simple reprise ? Pourquoi ne pas donner une ‘twist‘ plus mécanique à cette notion romantique de source d’où tout jaillit, fontaine de la vie ?
Voyez comme les concepts crapahutent, se catapultent et se superposent.
Il y a une expression plus exacte pour cela : ils se « téléscopent ». M’en direz-vous la cause ?
***
Je suis ressorti, tout à l’heure, en bras de chemise, pour aller à une causerie à la librairie Olivieri. Elle réunissait autour d’une même table Ollivier Dyens (@Ollivier_Dyens) et Marcello Vitali Rosati (MVR – Marviro @Monterosato). La rencontre s’intitulait : « Repenser l’humain au 21è s.« .
J’avais presque froid (j’avais roulé mes manches).
Regretterais-je de ne pas m’être amené une « petite laine » ?
Aurai-je le temps de formuler ce que j’ai retenu des présentations et des questions du public ? En tous cas, je vous informerai quand le contenu des échanges sera rendu disponible.
J’y ai rencontré une dame qui avait été au colloque en journée à McGill sur un thème similaire. Je n’ai pas eu l’occasion de prendre ses coordonnées. Elle termine une thèse à l’UQÀM sur la représentation des enjeux politiques qui façonnent la société actuelle dans une perspective sémiologique. Se reconnaîtra-t-elle ? Me lira-t-elle ? La retrouverai-je ?
La semaine prochaine (27-29 mai), on se retrouvera probablement à l’UQÀM pour explorer Les frontières de l’humain et le post-humain. Mais là je parle de toute la « compagnie ». Les « joyeux lurons » que nous étions. Car c’était « sympa », il n’y a pas à en douter.
Michael E. Sinatra (@mesinatra) faisait l’animation. Marviro encensa le travail de Dyens dans Enfanter l’inhumain. Le refus du vivant.
Celui-ci aurait (selon MVR – je ne l’ai pas lu) pris, très humainement, la question de la soit-disant « spécificité de l’homme » à bras-le-corps, pour nous permettre une réflexion contemporaine sur la question du sens (ou du non-sens) de nos préjugés.
Il s’agit d’une critique de l’anthropocentrisme.
C’est également un plaidoyer pour la calculabilité de cet entre deux de la cause et de l’effet (que se passe-t-il entre le moment où j’exerce une pression sur la chaise et l’instant suivant où elle est cassée ?) qui nous laisse face au sentiment de notre impuissance à tout comprendre. Parce qu’il est trop commode de considérer que si cet ‘impondérable’ est mystérieux, c’est qu’il doit y avoir de la magie qui opère et que, donc, l’existence a un sens.
Une pensée qui se refuse à tout « saut philosophique », comme dirait Camus.
Ollivier Dyens projette de poser la question de l’art après avoir soulevé celle de l’homme. Peut-être faudra-t-il qu’il repasse par celle du langage.
D’ailleurs les mots ne lui manquaient pas non plus pour célébrer l’oeuvre de Marviro, avec son insistance sur la limpidité de son écriture, « ce qui est plutôt rare de la part de philosophes ». Et il rajoutait que cette écriture était à la fois limpide et dense (je peux en témoigner, des deux).
La densité des échanges qui ont suivi m’interdit de m’aventurer à en relater les termes plus avant ici. On se rappelle que nous sommes à l’ère où le temps manque à tout le monde. D’ailleurs MVR félicitait Ollivier d’avoir commencé par résumer les thèses que contenait son ouvrage (on laisse généralement cette synthèse pour la conclusion).
Éric Méchoulan (professeur titulaire de littérature française à l’Université de Montréal) est venu clore la période de questions avec une tentative de remettre dos-à-dos les deux comparses qui s’entendaient trop bien à son goût. Il jouait les avocats du diable, selon son expression, « pour s’amuser ».
Comme quoi l’ambiance printanière avait gagné toute l’assistance.
À propos de camaraderie, une amie d’Ollivier, fraîchement arrivée du Brésil – où elle est professeur à l’université (de Sao Polo ?) – , avait ouvert le bal (de la période de questions) de façon fort plaisante en suppliant presque son bon compagnon de ne pas utiliser le terme « machine » pour parler des humains. Ce mot lui semble inapproprié (« peu juste ») par rapport au terme « système », vue la complexité de notre métabolisme. En effet, celui-ci s’apparenterait davantage à un écosystème qu’à une mécanique.
Les deux panélistes acquiescèrent.
Ollivier Dyens donna raison à son amie, signalant qu’il devait travailler avec un langage défaillant pour traduire la réalité qu’il tente de désigner. Il ajouta que le terme ‘machine’ avait l’avantage de signifier quelque chose.
Je pense qu’il doit faire référence à la théorie des « petites machines » que seraient nos organes, selon Leibniz, d’après le professeur de philosophie François Duchesneau. À ce propos, voir la philosophie de la biologie que l’on retrouve chez Leibniz dans Les Modèles du vivant de Descartes à Leibniz.
Vous l’aurez compris, il était difficile de détourner ces interlocuteurs de leur bonne entente évidente (… et pendant que j’écris ces lignes des éclairs viennent déchirer le ciel au dessus de Montréal, alors que le grondement du tonnerre me prévient que le coup de minuit va bientôt sonner – il fait humide et presque trop chaud)
Je fus néanmoins édifié par la perspicacité d’Éric Méchoulan (@OutisJean). Il a vraiment décliné une série de paradoxes qu’on pourrait associer aux thèses présentées par les deux intervenants (je regrette de n’avoir pu les présenter avant cet aparte).
Je vous les donne en vrac.
Si on pense que le passage de la machine au pouvoir de réfléchir fait problème, c’est qu’on estime qu’il y a une différence de nature entre les deux. Donc, ce serait poser un faux problème que de vouloir élucider cette question si on ne croit pas au départ que la conscience soit d’un autre ordre que les phénomènes physiologiques.
Par ailleurs, parler du caractère discret du temps comme dans le paradoxe de Zénon, cela vient de ce qu’on s’en fait une conception spatiale, alors que si on l’envisage comme durée, la difficulté disparaît.
De manière semblable, on peut questionner la pertinence de délibérer sur les raisons pour lesquelles les possibles sont capables (ou non) d’initier des réalités (« en puissance » au départ et qui s’actualiseraient par la suite), si on reconnaît que seul le réel existe. Selon le professeur de littérature, ceci conduirait à expliquer le pouvoir présumé des virtualités par une illusion rétrospective. C’est parce qu’on sait que le web est advenu que l’on peut penser que Borges l’avait anticipé. Mais si on ne jure que par les purs possibles, on s’entend qu’on sombre dans l’informe et que tout est indifférent.
Là je fais le lien avec un élément de l’analyse que propose Marcello dans S’Orienter dans le virtuel, qu’a résumé Ollivier Dyens. Je vous invite à lire le billet de Marviro sur Sens Public (son espace blog intitulé « Culture numérique ») à propos du livre d’OD, où il rapproche la notion de ‘stigmergie‘ – qu’il développe à partir de l’exemple de la toile d’araignée qui se construit (en lien avec le comportement de l’araignée) selon sa propre logique – de ses propres réflexion sur la manière dont le réel et le virtuel s’interpénètrent.
Les deux jeunes professeurs s’en sont bien tirés pour répondre. Mais la température a monté d’un cran. C’était de bonne guerre. Une causerie, malgré son titre mignon, c’est aussi fait pour débattre.
À propos de concepts tendance (ou en passe de le devenir – une autre forme de virtualité), j’ai vécu un épisode de ‘sérendipité‘ suite à la clôture de la période de questions qui mit fin à l’échange. Tout le monde sait que c’est dans les interstices que les mailles se tissent.
Avant de quitter (bon j’ai dépassé minuit) la librairie, j’ai abordé un homme, croyant reconnaître un ami du cégep, André Habib (professeur de cinéma à l’Université de Montréal). Je m’étais trompé. Il s’agissait de Laurent Lavoix, qui avait posé – je crois – des questions. Il se trouve qu’il est en train d’écrire un roman qu’il songe à prolonger pour le web. Il avait commencé une recherche sur les auteurs québécois qui écrivent des textes sous la forme de réseaux pouvant s’inscrire dans la logique du numérique, et du web, dès 1994 !… Cet intérêt pour la littérature numérique québécoise m’interpelle puisque c’est précisément le domaine dans lequel je prévois réaliser un mémoire de maîtrise en littérature.
(la pluie s’abat lourdement après que le tonnerre et les éclairs eurent rejoint notre secteur de Montréal)
Quand je suis ressorti vers 21h15, il faisait noir sur Côte-des-Neiges mais plus chaud que lorsque je suis arrivé (vous vous rappelez mes bras nus ?). C’est un paradoxe du printemps : les soirées peuvent être plus chaudes que les après-midi. Et d’un autre côté, c’est naturel : le temps se réchauffe. C’est dans l’ordre des choses.
Quel est le ressort de cette intrigue ? D’où la source de ce flux verbal s’écoule-t-elle ? Les prochains billets suffiront-ils à relier les gerbes de ce faisceau ? Si le jaillissement d’un tel renouveau peut se peindre avec des mots, une fluidité accrue de la forme sera-t-elle nécessaire !?
Pour l’instant, il vaut mieux laisser advenir le printemps.
La foudre fend le rectangle noir de ma fenêtre qui donne sur le centre-ville de la métropole québécoise. Elle déchire le rideau d’obscurité en tapissant le couvert nuageux d’une lumière ouattée. L’éclair n’en réunit pas moins … le ciel et la terre.
Et le tonnerre menace de fracasser mes tympans au moment où je presse ‘Publier’.